Le 3 septembre 1939, la France et la Grande Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne. L’Italie s’empresse d’afficher sa non-belligérance, ne voulant pas rentrer prématurément dans le conflit. L’arrivée de l’hiver supprime toute menace transalpine. Le 10 mai 1940, quand l’Allemagne passe à l’offensive à l’ouest, Mussolini préfère attendre de voir l’évolution des hostilités avant de déclarer ses intentions.
Le 10 juin 1940, alors que les troupes allemandes viennent de percer la ligne Weygand et s’apprêtent à pénétrer dans Paris, le Duce déclare la guerre à la France. Depuis le balcon du palais Venezia, à Rome, il annonce la nouvelle à une foule enthousiasme d’environ 100 000 personnes scandant « A noi Savoia« . Il espère cependant que son armée n’aura pas à mener d’opérations militaires et qu’en s’asseyant à la table des négociations, il récupèrera les départements frontaliers depuis la Haute-Savoie jusqu’aux Alpes-Maritimes, de même que la Corse. Le 17 juin, le gouvernement de Bordeaux demande un armistice à l’Allemagne. Il se trouve contraint d’en solliciter un auprès de Mussolini, lequel aimerait que les deux cessez-le-feu fusionnent. Hitler s’y refuse ne concédant que de faire rentrer en vigueur la cessation des hostilités à l’issue de la signature de l’armistice franco-italien. Le Duce est obligé de lancer ses troupes à l’assaut des Alpes, pour remporter une victoire facile lui offrant une position favorable à la table des négociations.
Quand Mussolini déclare la guerre à la France, il ne tient pas compte de l’impréparation de l’état-major et de son armée. Les renseignements sur les troupes françaises, les fortifications ennemies et les positions d’artillerie sont inexistants. La neige encore présente en abondance dans la majorité des secteurs, même à basse altitude, perturbe la montée en ligne de l’infanterie et interdit la mise en place de l’artillerie au plus prés de la frontière. Le haut commandement italien met à profit le répit qui lui est accordé pendant que le Duce s’efforce de convaincre le Führer de signer un armistice conjoint, pour tenter de pallier aux déficiences et carences, de toutes sortes, dont souffre l’armée dans la perspective d’un conflit contre la France.
Au sein du peuple italien, la guerre est loin d’être populaire, notamment dans les vallées alpines frontalières où l’idée de se battre contre des cousins n’est guère appréciée. De plus, la France a par le passé aidé l’Italie, pour son unification au 19e siècle et pour la secourir en 1917. Á ceci s’ajoute la présence d’une forte colonie transalpine dans l’hexagone. L’armée italienne, qui n’est pas prête à se lancer dans une guerre de grande envergure, vient à peine de remporter une victoire difficile en Ethiopie et sort d’une coûteuse aventure en Espagne. De manière générale le matériel est médiocre à tout point de vue. Beaucoup de divisions ne sont pas motorisées, et un grand nombre n’existe pour ainsi dire que sur le papier.
Le plan de bataille italien est simple. Sur toutes les Alpes, les troupes progresseront sur les grands axes de communication praticables, poussant des infiltrations par les sommets pour déborder les éléments français qui résisteraient. Les alpini et l’infanterie attaqueront en première ligne, appuyés par l’artillerie. A leur suite, les divisions blindées et motorisées exploiteront la percée. Le Groupe d’Armées Ouest, placé sous le commandement du prince du Piémont Umberto, sera composé de la 4e armée, entre la frontière suisse et le Mont Viso, et de la 1ère armée depuis celui-ci jusqu’a la mer. L’opération B est confiée à la 4e armée qui doit déboucher des cols du Petit-Saint-Bernard, du Mont-Cenis et du Montgenèvre pour progresser vers Chambéry et Grenoble. L’opération M est prise en charge par le IIe corps d’armées (CA) qui, débouchant du col de l’Arche, poussera sur Marseille par la vallée de la Durance. L’opération R sera conduite par le XVe CA appelée à progresser par le littoral et à s’emparer de Nice.
Du côté français, le dispositif sur les Alpes a évolué depuis la mobilisation d’août 1939. La non-belligérance italienne et l’arrivée de la neige ont permis au haut commandement français de prélever de nombreuses unités pour les porter sur l’est de la France. Des éléments sont également retirés pour renforcer le Corps Expéditionnaire Français en Scandinavie. En avril 1940, l’Armée des Alpes ne dispose plus que de 176.000 hommes, dont 85.000 en première ligne. Elle peut néanmoins compter sur les imposantes fortifications de la Ligne Maginot et des ouvrages anciens du type Séré de Rivières dotés d’une forte artillerie, répartie entre des forts, des batteries ou des emplacements aménagés.
La défense repose également sur une centaine de sections d’éclaireurs skieurs (SES). Ces unités, composées d’une trentaine d’hommes, skieurs, montagnards et parfois alpinistes, sont les yeux de la défense. Positionnées sur la frontière et les points culminants, elles surveillent constamment le versant italien, cherchant à repérer emplacements fortifiés et mouvements de troupes. Au printemps, avec la fonte des neiges, le dispositif se rapproche de la frontière. Les ouvrages d’avant-postes sont réoccupés, les troupes d’intervalle aménagent de nouveaux emplacements de combats, tendent des réseaux de barbelés et posent des champs de mines sur les grands axes.
L’Armée des Alpes, commandée par le général Olry, se répartit en deux corps d’armée. Le XVIe CA, entre le Mont-Blanc et le col de Restefond, comprend le Secteur fortifié de Savoie, la 66e division d’infanterie, le Secteur Fortifié du Dauphiné et la 64e division d’infanterie. Le XVe CA, entre ce col et la mer, est composé du Secteur fortifié des Alpes-Maritimes et la 65e division d’infanterie.
La période pré-opérationnelle
Le 10 juin, dès l’annonce de la déclaration de guerre, les populations frontalières et les troupeaux sont évacués en direction du centre de la France. Le génie fait jouer des centaines de destructions, détruisant routes, ponts des tunnels, parfois avant le passage des habitants descendant des hautes vallées.
Le commandement a demandé de ne pas conduire d’actions offensives, mais certains cadres des SES passent à l’action sans attendre. Dans la nuit du 10 au 11 juin, en Haute-Tarentaise, les sergents Erny et Rivière d’une SES du 97e RIA attaquent les positions ennemies au col de la Galise. Le 12 juin, le lieutenant Morel du 27e BCA capture cinq Italiens à la Pointe Serru.
A partir du 14 juin, malgré le mauvais temps, le front devient progressivement actif. En Beaufortain, un groupe de la SES du 80e BAF du lieutenant Bulle accroche des alpini au col de la Seigne. En Vésubie, la SES du 75e BAF rencontre l’ennemi sur les pentes du Crapelet. L’affrontement coûte à la section deux prisonniers, un blessé et un mort, l’alpin Rigot qui est le premier tué de l’Armée des Alpes. Les Italiens tentent également d’occuper, par des coups de mains, des positions clés sur la frontière et de faire des prisonniers. Le 17 juin, la SES du 24e BCA, commandée par le lieutenant Cuggia, capture 35 Italiens.
Ce même jour, à midi, le maréchal Pétain annonce à la radio « qu’il faut cesser le combat » et qu’il va demander l’armistice à l’Allemagne. Dès que l’état-major italien prend connaissance de cette nouvelle, il ordonne de suspendre les hostilités contre la France. Le refus émit par Hitler de relier les deux armistices va néanmoins contraindre de nouveau le Duce à passer à l’offensive. Le 19 juin, amer et désillusionné, il est obligé de donner l’ordre d’attaque pour le lendemain. Le délai étant jugé trop court par l’état-major, le général Pintor, commandant la 1ère Armée face à l’Ubaye et aux Alpes Maritimes, obtient un sursis de 24 heures.
Déclenchement de L’opération B
Le 21 juin, en Tarentaise, les divisions alpines Tridentina et Taurinense ainsi que le groupement autonome alpin Levanna passent à l’offensive avec pour objectif Bourg-Saint-Maurice. La défense est confiée au Secteur Fortifié de Savoie commandé par le colonel Michet de la Baume, comprenant deux BAF, le 6e BCM et le 215e régiment d’infanterie.
Dans le Beaufortain, débouchant du col de la Seigne, le Bataillon Edolo du 5e Alpini descend sur le Val des Glaciers où il est accueilli par l’artillerie française. Les éléments de pointe buttent sur l’ouvrage de Séloges qui barre la vallée. Le bataillon Duca degli Abbruzzi, qui est en fait l’École de haute montagne militaire italienne, s’engage sur le glacier des Glaciers à plus de 3.000 mètres d’altitude. Les obus français percutent au-dessus, provoquant des avalanches emportant plusieurs cordées. Le 22 juin, la 52e compagnie du bataillon Edolo réussit néanmoins à s’emparer de la position de Bellegarde, tuant le sous-lieutenant de Castex et quatre alpins du 80e BAF, et capturant plusieurs hommes blessés. Au dessus de cette position, la SES du 80e BAF, commandée par le lieutenant Bulle, tient la tête et le col d’Enclave. Des alpini du Duca Degli Abbruzzi débouchent sous celui-ci. Les éclaireurs arrivent sous une barre rocheuse formant un angle mort, Bulle n’hésite pas. A l’aide d’une corde, il descend le long de la paroi en rappel, avec un fusil-mitrailleur, jusqu’à une petite vire, puis cale l’arme à la hanche. Dés que les éclaireurs ennemis font mouvement, il lâche deux chargeurs dans le groupe, causant plusieurs tués et blessés. Les deux jours suivants, les Italiens tentent de pousser en avant mais sont contenus par les alpins du 80e BAF et les canons du 9e régiment d’artillerie.
Le col du Petit-Saint-Bernard
L’axe principal de l’attaque est mené par le col du Petit-Saint-Bernard. La défense repose sur le fort de la Redoute Ruinée, occupé par une section du 70e BAF sous les ordres du sous-lieutenant Desserteaux, et sur une ligne d’avants postes occupés par le 215e RI. Le 164e RAP assure l’appui. Le 21 juin, après un bombardement aérien et d’artillerie, les alpini du bataillon Aosta débouchent des cols frontaliers secondaires. Rapidement, les différentes compagnies sont bloquées par la Redoute Ruinée et les fortifications de campagne. En fin de matinée, les Bersaglieri de la division Trieste franchissent le Petit-Saint-Bernard. Accueillis par l’artillerie française et ils doivent repasser la frontière en abandonnant leurs véhicules sur la route. Toute la journée, plusieurs attaques d’infanterie sont repoussées. Le 22 juin, les Italiens réussissent à s’approcher de plusieurs points d’appui (PA) et lancent de violentes attaques. Au PA des Eucherts, les Français complètements encerclés se battent presque au corps à corps. Devant la menace de submersion des avants postes, le commandement ordonne leur repli sur la ligne principale de résistance, à l’exception de la Redoute Ruinée qui doit tenir coûte que coûte, même totalement encerclée. Les 23 et 24 juin, l’ennemi parvient à s’infiltrer à travers bois, jusque dans la vallée de l’Isère, mais il est contenu sur la rive gauche.
Un peu plus au sud, trois bataillons d’alpini franchissent le 21 juin le col du Mont et les environs. La SES du 70e BAF et deux sections de la 3e compagnie du 70e BAF réussissent à les contenir toute la journée. Devant le nombre, les Français décrochent sur la rive gauche de l’Isère. Les Italiens débouchent sur Sainte-Foy où ils sont bloqués durant trois jours, jusqu’à l’armistice.
Le 25 juin à 0h35, l’armistice avec l’Italie entre en vigueur. L’adversaire occupe la rive droite de l’Isère entre Sainte Foy et Séez. La Redoute Ruinée tient toujours, refusant l’accès aux Italiens qui demandent à l’occuper. Le sous-lieutenant Desserteaux invite plusieurs officiers transalpins à déjeuner mais il refuse de livrer le fort sans y avoir été autorisé. Le 2 juillet, après sept jours de face à face, l’ordre arrive de livrer la position. Le drapeau français est abaissé puis en colonne par trois, le sous-lieutenant Desserteaux en tête, les alpins sortent de l’ouvrage passant devant une section de la GAF lui présentant les armes. En fin de journée, ils rejoignent les lignes françaises où ils sont chaleureusement accueillis.
Le col du Mont-Cenis
Le Ier CA italien, composé des divisions d’infanterie Superga, Cagliari et Brennero, doit s’emparer de Modane puis pousser sur Grenoble et Chambéry. La défense de la vallée est confiée à la 66e DI du général Boucher, renforcée de trois BAF et de dix SES.
Le 21 juin, La division Brennero tente de franchir le col du Mont-Cenis. Les deux pièces de 75 mm, les mitrailleuses et mortiers du fort de la Turra, dominant le col, ouvrent le feu, clouant les assaillants sur place. En contrebas, l’ouvrage des Revets repousse plusieurs tentatives ennemies. Sur les versants opposé du col, les SES des 11e et 15e BCA ralentissent fortement les infiltrations. Les pièces de 149 mm des batteries du Paradisio et de la Court déclenchent de nombreux tirs visant à museler les pièces françaises, sans résultat. Une attaque de chars est repoussée le 22 juin.
En amont de la vallée de l’Arc, le bataillon alpini Susa, débouchant de la vallée du Ribon, investit Bessans. Un bataillon de chemises noires qui le suit pille le village. Au sud du plateau du Mont-Cenis, la division Cagliari débouche sur le Val d’Ambin qui n’est défendu que par trois SES du 99e RIA et une demie compagnie du 343e RI. Les éclaireurs luttent pied à pied devant six bataillons ennemis. Les combats font rage au Mont-Froid et au Planay. Pris de panique, les hommes du 343e RI se rendent pendant que les SES se replient sur Modane.
L’irruption des Italiens dans la vallée de l’Arc force le général Boucher à replier les troupes défendant la Haute-Maurienne, à l’exception du fort de la Turra, des Revets et des trois blockhaus des Arcellins. A la faveur de la nuit, deux compagnies de la GAF s’emparent de la position des Arcellins, capturant une douzaine d’homme. Mais cette avance est bloquée devant Modane défendu par 122 pièces d’artillerie.
Les cols-sud
La division Superga, renforcée du bataillon alpin Val Dora, doit déboucher des cols sud et s’emparer de Modane. Ces hommes vont devoir affronter des conditions atmosphériques extrêmes et surtout les plus gros ouvrages de la ligne Maginot en Savoie (Pas du Roc, Arrondaz et Lavoir). Toutes les attaques sont repoussées par l’artillerie avec de fortes pertes. Sur l’aile droite, le bataillon Val Dora réussi un véritable exploit alpin en franchissant deux cols en haute altitude avant de commencer à descendre sur la ville. Il se heurte à la SES du 28e BCA et aux tirs de l’ouvrage du Sapey. Les italiens sont bloqués, dépourvus de vivres et de médicaments. L’évacuation des blessés réclame plus de 15 heures de portage. Le 25 juin, l’armistice étant entré en vigueur, les Alpini, coupés de tout, reprennent leur progression. Les avants postes français les accueillent avec des drapeaux blancs, leur annonçant la fin des hostilités. Les combattants valides repassent la frontière mais une centaine d’entre eux, qui ont les pieds gelés, doivent être pris en charge par les Français et être évacués sur la vallée.
Les bataillons Val Fassa et Esille doivent déboucher du saillant de Bardonnèche et descendre sur la Maurienne, par la vallée de Valmeinier, pour s’emparer de Saint-Michel-de-Maurienne et prendre les défenses de Modane à revers. Dés que les Alpini pénètrent dans le fond de Valmeinier, les pièces du 164e RAP en position au fort du Télégraphe déclenchent un puissant feu. Les avants postes de Notre-Dame-des-Neiges, tenus par des éléments du 91e BAF, tirent aussi sur les éléments de tête. Pris dans cette nasse, les Alpini ne peuvent que se replier et s’établir dans la neige et le froid derrière le Mont Thabor.
Le 25 juin, les troupes italiennes ne sont parvenues à occuper que la Haute-Maurienne, à l’exception des ouvrages des Revets et de la Turra qui tiennent toujours. Plusieurs officiers italiens veulent visiter le fort et voir la puissante artillerie qui les a tenus en échec. Ils sont surpris en constatant que l’ouvrage ne possède que deux de 75 mm. Il faut attendre le 2 juillet pour que les garnisons reçoivent l’ordre de quitter les ouvrages, bénéficiant des honneurs de la guerre.
Le col du Montgenèvre et la destruction du Chaberton
Le Secteur Fortifié du Dauphiné, commandé par le général Cyvoct, défend le Briançonnais. Le Queyras et de la vallée de l’Ubaye sont à la charge de la 64e DI. L’ensemble comprend six BAF, deux RAP, la 64e DI et dix-sept SES. Le Briançonnais, protégé par de nombreux forts anciens, renforcés d’ouvrages Maginot est dominé par le puissant fort italien du Chaberton, culminant à 3130 m d’altitude, armé de huit tourelles de 149 mm. Le 21 juin, la division Sforzesca débouche du col du Montgenèvre mais elle est immédiatement bloquée par les PA du 91e BCA, les SES des III/159e RIA et 91e BCA, et les tirs du 154e RAP, notamment en provenance du fort du Janus. La division Assietta tente de progresser plus au sud sur la plaine du Bourget, sans résultats notoires, contenue par des éléments du 72e BAF.
Le Chaberton, certain de sa supériorité, ouvre le feu sur les fortifications françaises. C’est sans compter sur le 154e RAP qui a préparé depuis longtemps la réplique. La 6e batterie, composée de deux sections de mortiers de 280 mm, commandées par le lieutenant Miguet est discrètement positionnés à Poët-Morand et à L’Eyrette, ouvre le feu. Les tirs sont bien réglés et en trois heures et trente minutes, cinquante sept obus de 280 mm détruisent six des huit tourelles ennemies. L’effet moral sur les Italiens est considérable.
Le lendemain, l’infanterie ennemie tente d’attaquer une nouvelle fois depuis le col du Montgenèvre. Elle essuie de fortes pertes, sans résultats.
Le 23 juin, poussée par le général Mercalli, commandant le IVe corps d’armée, l’offensive reprend. L’avant-poste du Chenaillet, légèrement isolé est soumis à un intense bombardement. Deux compagnies du 30° Reggimento di Fanteria réussissent à s’en emparer, capturant dix-sept alpins du 72e BAF dont deux blessés graves. Dans la nuit, la division Legnano remplace la Sforzesca, fortement éprouvée. Le 24 juin, elle subit à son tour un échec.
Le Queyras
Le Queyras, qui ne possède que quelques cols muletiers, ne constitue pas une zone d’attaque importante. Son contrôle permet néanmoins de déborder le Briançonnais par le col de L’Izoard et de pénétrer par les sommets sur les arrières de l’Ubaye. La défense de ce secteur repose sur des PA avancés et sur le bouchon formé par l’ancien fort de Château-Queyras. Elle est assurée par trois bataillons et cinq SES.
Le 21 juin, après avoir freiné l’avance du 3e Alpini, les SES des 87e et 107e BCA viennent avec celle du 92e BAF appuyer la défense du PA d’Abries, tenu par des éléments du 87e BCA. Dans l’après midi, le PA nord, submergé par des alpini et des Chemises Noires est dégagé de justesse alors qu’il s’apprêtait à succomber. Le lendemain, la progression ennemie est presque nulle. Le bataillon Pinerolo débouchant de La Monta vers Abries est bloqué par l’artillerie.
Le 23 juin, l’aspirant Gueury, commandant le PA d’Abries, accompagné de quatre chasseurs du 87e BCA et du Maréchal-des-logis Woehrlé, commandant la brigade de gendarmerie locale, partent en patrouille dans la forêt de Marassan. Ils surprennent une quinzaine d’alpini en train de sommeiller. Les deux gradés bondissent sur eux, les capturant. Puis d’autres hommes se rendent. Cinquante-deux prisonniers sont ramenés dans les lignes françaises. Le 24 juin, les Italiens tentent d’avancer par les hauts, mais leur progression lente et difficile est arrêtée par l’entrée en vigueur de l’armistice.
L’opération M
L’opération M à pour but de déboucher du col de Larche pour progresser par la vallée de la Durance sur Gap et Marseille. Elle est assurée par le IIe corps d’armée comprenant cinq divisions et un groupement alpin, représentant la plus grande concentration de troupes italiennes sur le front des Alpes. L’offensive doit se déclencher 24 heures après l’opération B. La défense française est assurée par des éléments de la 64e DI (299e RIA) et les 73e et 83e BAF, sept SES et une centaine de pièces d’artillerie.
Le 22 juin, l’aile droite du dispositif ennemi passe à l’offensive, avec la mission de s’infiltrer par les passages alpins pour contourner les défenses principales de la vallée. Le 2° raggrupamento Alpino et la division alpine Cunense franchi la frontière. Ils est fortement ralenti par les SES. L’avant poste de Plate-Lombarde tire avec un de ses jumelages de mitrailleuses pendant que l’artillerie ouvre le feu, notamment la tourelle à éclipse de 75 mm de l’ouvrage de Roche-la-Croix. Un peu plus au sud, la division Forli se dirige en trois colonnes sur l’ancienne batterie de Vyraisse tenue par la SES bis du 83e BAF. La SES du 83e BAF commandée par le lieutenant Costa de Beauregard ralentie au maximum l’avance, appuyée par l’artillerie du secteur. Le 23 juin, sur l’aile sud, profitant du brouillard, les alpini de la division Pusteria s’infiltrent vers le col des Fourches mais ils sont contenus par la SES et des éléments du 73e BAF. Sur l’aile nord, les Italiens se heurtent au PA de Maurin tandis que celui de Fouillouze-Haut repousse les attaques.
A 8h00, après six heures de bombardement intensif sur les avants postes, l’offensive de la division Acqui débouche du col de Larche, de part et d’autre de la route. Rapidement une section du 83e BAF qui tient le hameau de Maisonméane est au contact. A 10h00, alors qu’elle est déjà dépassée de 2 kilomètres par l’ennemi, elle se replie sous la protection des tirs d’arrêts. Constamment harcelée par l’artillerie, l’infanterie italienne n’arrive pas à progresser dans la vallée,
Dans la nuit, une opération est menée contre le PA de Maurin où les alpini réussissent à s’infiltrer. Le lieutenant Berthet du II/299e RIA, commandant la position, demande un tir fusant tandis que la SES du 73e BAF arrive à la rescousse et achève de le dégager. Les fantassins de la division Forli atteignent les superstructures de la batterie de Vyraisse. Les éclaireurs skieurs des deux SES du 83e BAF les repoussent à coup de mousqueton et à la grenade, soutenus par l’artillerie. Une colonne de cette division est aussi repoussée devant le village de Larche. Le I/44° Reggimento di Fanteria, profitant du brouillard, déborde Viraysse par le sud et s’engage dans le torrent de Rouchouze. A la faveur d’une éclaircie, l’artillerie française ouvre le feu, semant la mort et la terreur. Cette action entraîne un repli précipité, ainsi que la reddition de 280 Italiens. Sur l’aile sud, les alpini de la division Pusteria reprennent leur avance. Ils souffrent énormément du froid et déplorent une centaine de cas de gelure. Leur progression s’avère rapidement difficile en raison de la neige et des conditions atmosphériques. Lorsque cessent les combats, aucun objectif n’a été atteint. L’adversaire est bloqué devant la ligne d’avants postes après avoir subi d’énormes pertes en tués, prisonniers et congelati.
L’opération R
L’opération R – pour Riviera – doit progresser le long de la Côte d’Azur pour s’emparer de Nice puis rejoindre à Marseille les éléments de l’opération M. Elle est menée par le XVe corps d’armée italien, composée de deux divisions en premier échelon, soit dix-sept bataillons d’infanterie, appuyés par 216 pièces d’artillerie. Au nord, dans le secteur montagneux de l’arrière-pays, le IIIe CA lancera aussi une attaque avec une division et un groupement alpin.
La défense française est confiée au XVe CA, commandée par le général Montagne. Il comprend le Secteur Fortifié des Alpes-Maritimes, le plus puissant de toutes les Alpes avec plus de dix ouvrages mixte et une multitude de petits ouvrages d’infanterie et de PA. La partie nord de la défense est à la charge de la 65e DI. Au total le XVe CA aligne onze bataillons d’infanterie, neuf de forteresse, quarante-deux SES appuyés par plus de 400 pièces d’artillerie.
Le 22 juin, à 8h30, sept groupes d’artillerie ouvrent le feu sur les positions françaises, cherchant à neutraliser les ouvrages fortifiés. Une demi-heure plus tard, les fantassins italiens franchissent la frontière à la faveur du brouillard. La division Cosseria progresse sur Menton, la division Modena se dirige sur le Mont-Ours. L’artillerie française procède à des tirs d’arrêts autour des PA d’avant-postes. Le train blindé N° 2 de la marina regia tire 200 obus sur l’ouvrage de Cap Martin.
Devant Castellar, les SES décrochent sous la pression ennemie derrière les ouvrages d’avant-postes de la Colletta et du Pilon, tenus par des éléments du 96e BAF. En avant de Menton, le PA de la Colle reçoit le choc le plus violent. Sur la route littorale, le barrage rapide du Pont-Saint-Louis est attaqué par deux sections qui sont clouées sur place, bloquant la progression des unités suivantes. Débordant l’ouvrage par le nord, les Italiens pénètrent dans Menton. Face à Castillon, la division Modena se heurte aux SES puis, après leur repli, se trouve bloquée par les avant-postes de la Baisse-de-Scuvion et de Pierre-Pointue tenus par des éléments du 76e BAF. Dans l’après-midi, les Italiens submergent le poste de Fascia-Fonda occupé par onze alpins du 86e BAF. Le combat s’engage au corps à corps. Cinq français sont tués, deux sont blessés et capturés et quatre parviennent à se replier. Dans la nuit, l’ennemi atteint les superstructures de l’ouvrage de Pierre-Pointue qui est dégagé par des tirs fusants d’artillerie.
Au bord de la mer, le train blindé N°2 sort de nouveau de son abri, le tunnel de la villa Humbry. Il est presque aussitôt atteint par deux salves de 75 mm tirées par les deux tourelles de l’ouvrage du Mont-Agel. Son commandant est tué et trois pièces de 152 mm sont hors d’usage. Dans la soirée, les défenseurs du PA de la Colle se replient sur ordres après avoir perdu quatre tués et vingt-deux prisonniers. En face, l’ennemi déplore vingt-deux tués et soixante-treize blessés. Dans le secteur nord, le 1° raggrupamento Alpino lance une offensive sur la Haute-Vésubie qui est repoussée par la SES du 98e BCA et deux du 112e RIA.
Le 23 juin, la ligne des ouvrages d’avant postes est au contact, parfois même dépassée, mais les équipages du Pilon, du Pont-Saint-Louis et de la Coletta gardent un bel état d’esprit. L’aviation italienne multiplie les bombardements, sans grands résultats. Les pluies importantes et le brouillard gênent les opérations aériennes. Deux nouveaux trains blindés entrent en action contre la batterie du Cap-Martin qui reçoit, sans sourciller, plus de 300 obus en 45 minutes. La division Cremona monte en ligne en poussant des éléments dans Menton. Toutes les tentatives contre l’ouvrage du Pont-Saint-Louis échouent. Face au Cap-Martin, les fantassins du II/90° Reggimento di Fanteria venant de traverser la ville, arrivent devant le pont de l’Union. L’artillerie française les force à trouver refuge dans les maisons proches tandis que les pièces du fort ouvrent le feu, lâchant plus de 1000 coups.
Devant Castillon, l’ouvrage de Pierre-Pointue tient toujours. L’adjudant-chef Lanteri sort en patrouille avec quatre hommes sur les superstructures où ils trouvent plusieurs cadavres italiens tués par l’artillerie. Profitant du brouillard, deux patrouilles ennemies s’approchent. Elles sont attaquées à la grenade et au FM, laissant sur le terrain plusieurs hommes, des armes et une dizaine de prisonniers.
Dans la Tinée, la division Livorno occupe le fond de la vallée en aval de Saint-Etienne. Partout les SES freinent l’avance ennemie qui est bloquée également devant l’ouvrage d’Isola. En Haute-Vésubie la météo exécrable bloque toute progression. Dans la Roya, l’attaque sur Fontan se déclenche. Les chasseurs du 104e BCA tenant le village doivent se replier. Devant Breuil, les SES du 85e BAF et de la 5e demi-brigade de chasseurs pyrénéens font obstacle à toute mouvement.
Pendant toute la nuit, les armes automatiques et l’artillerie française effectuent des tirs d’interdiction sur les principaux axes d’attaque. Le 24 juin, la division Cosseria, qui occupe Menton, ne peut en déboucher. Les trombes d’eau qui s’abattent empêchent tout appui aérien. En Haute-Vésubie, la neige et la pluie entravent les déplacements. L’artillerie française ouvre le feu sur tous les objectifs qui se dévoilent et les SES manoeuvrent en permanence pour surprendre et dérouter les assaillants. Dans la Tinée, la division Livorno, estimant qu’elle a atteint la veille ses objectifs, se contente d’améliorer ses liaisons. Comme dans les autres secteurs d’attaque, les Italiens n’ont pas réussi à percer la ligne des avants postes, à l’exception de quelques petits PA. Le barrage rapide du Pont-Saint-Louis, complètement encerclé, tient toujours. Le 25 juin, l’équipage est relevé par une garnison équivalente. La casemate sera évacuée quelques jours plus tard, après avoir été fermée à clef par son chef.
A l’heure où cessent les combats, l’échec italien sur les Alpes est sans appel. L’Etat-Major paie les conséquences de son impréparation, comme le manque de réalisme et d’initiative de son commandement. La victoire française est due aux fortifications et à la valeur combative de l’Armée des Alpes, dirigée avec intelligence. Les troupes italiennes, mal entraînées pour le plupart, dépourvues de matériel adéquat et attaquant dans des conditions atmosphériques épouvantables n’ont cependant pas déméritées. En quatre jours de combat elles déplorent près de 6000 hommes hors de combat, parmi lesquels 631 tués, 2631 blessés, 616 prisonniers et 2151 cas de gelures.