L’armée des Alpes attaquée sur ses arrières par la Wehrmacht
L’évocation de la bataille des Alpes ne saurait être complète sans faire état des combats qui se sont déroulés à partir du 21 juin sur les arrières de l’armée des Alpes, mettant celle-ci aux prises avec le XVI. Panzerkorps du général Hoepner. Á compter de la mi-juin, si Hitler refuse de signer un armistice germano-italien avec la France, forçant Mussolini à passer à l’offensive, il consent néanmoins à envoyer à la rencontre des troupes italiennes trois divisions : les 3. et 4. Panzerdivisionen qui, partant de Lyon, ont pour l’une Chambéry et Grenoble pour objectif et pour l’autre mission de marcher vers le sud, en direction de Valence. Depuis le Jura et la Bresse, la 13. Infanterie-Division (mot) doit quant à elle s’emparer de la Haute-Savoie et de la Savoie.
L’irruption de la Wehrmacht dans le dos de l’Armée des Alpes, que nul n’aurait pu imaginer avant le 15 mai 1940 est envisagée à compter du 28. Le général Olry décide alors qu’aucune troupe ne sera prélevée au sein de l’armée des Alpes. Pour faire face aux Allemands, il choisit de mettre sur pied trois groupements pour faire face aux Allemands. De la frontière suisse au pont de Culoz, le Rhône est tenu par le Secteur défensif du Rhône (SDR) commandé par le général Michal. Ce dernier, protégé des Italiens par la masse imposante du Mont Blanc, a pour mission d’aligner deux BAF sur le fleuve. Entre le Pont de Culoz et Lyon, la défense est confiée au groupement du général Cartier. Ses troupes se composent en majeure partie des unités régionales de la XIVe Région Militaire et des dépôts des unités de cette région. Cartier récupère également des troupes qui refluent du nord-est, de même que des pièces d’artillerie lourdes initialement destinées à être livrées à la Roumanie. La défense de la Basse Isère, entre Roman et le Rhône sera quant à elle confiée au groupement du général Vichier-Guerre, disposant d’éléments régionaux.
Le plan initialement conçu est néanmoins être considérablement bousculé par la décision prise le 18 juin de considérer Lyon, ainsi que ses ponts, comme « ville ouverte ». Le général Cartier doit dès lors se contenter d’une résistance au sud-est de la ville pendant que le gros de ses troupes s’installe le long du Guiers, de la Chartreuse et du cours sud de l’Isère. Dans la nuit du 21 au 22 juin, tous les ponts sur le fleuve sautent, à l’exception du pont de Culoz.
En direction de Chambéry
Le 22 juin, les premiers éléments de la 13. Infanterie-Division (mot) débouchent du Jura à Bellegarde. Ils tentent de remonter vers la frontière suisse mais sont arrêtés par le vieux fort de Fort l’Ecluse tenu par une compagnie du 179e BAF et des pièces du 164e RAP. Toutes les tentatives pour s’en emparer échouent. Les éléments qui longent le Rhône sont pris à parti par les troupes françaises, positionnées sur la rive gauche. Une colonne arrivant du Bugey atteint le pont de Culoz dans la nuit. Les Français actionnent le dispositif de mine, mais celui-ci ne fonctionne pas. Les éléments de tête ennemis tentent de s’emparer de l’ouvrage, défendu par le dépôt du 28e régiment de tirailleurs tunisiens, sans succès. Une tentative sur le pont ferroviaire voisin, couvert par une compagnie du 189e BAF, est infructueuse. Dans la matinée, le gros de la colonne est à pied d’oeuvre. Le fleuve est traversé en amont, au moyen de bateaux pneumatiques, par des fantassins qui prennent les défenseurs à revers. Pour parer à cette menace et protéger son flanc, le général Michal est fait garnir les hauteurs dominant le lac du Bourget.
Le 23 juin, les Allemands s’emparent du col du Sapenay et débordent les défenseurs du col voisin de la Chambotte, qui les bloquent depuis le matin. Une autre colonne progresse le long du lac mais elle est arrêtée par une héroïque résistance dans le village de Grésine toute la journée. En fin d’après-midi Aix-les-Bains tombe. Le lendemain, les éléments se dirigeant sur la Haute-Savoie sont alors bloqués sur le Fier et le Chéran, ne pouvant pas atteindre Annecy. L’effort principal est mené en direction de Chambéry. Le général Cartier a établi un puissant dispositif à hauteur de Viviers-du-Lac, alignant plus de 2.000 hommes et notamment le 93e BCA jusqu’alors tenu en réserve générale. Toutes les attaques de la journée sont repoussées aux prix de sérieuses pertes de part et d’autre. Le 25 juin, l’entrée en vigueur de l’armistice met un terme aux hostilités sur ce front.
L’Avant-Pays Savoyard et Voreppe
Plus à l’ouest, débouchant de Bourgoin, la 3. Panzerdivision se dirige en deux colonnes sur les Alpes. L’une d’elles se heurte le 23 juin aux défenses établies sur le Guiers. La prise du pont de Saint-Albin, resté intact lui permet de franchir cette coupure, mais la conquête de Pont-de-Beauvoisin nécessite toute une journée de combats. Á cette occasion, les rapports allemands évoqueront des combats aussi violents que ceux menés sur le Dyle en mai 1940. Le 24 juin, des éléments se dirigeant sur le lac d’Aiguebellette se heurtent à une défense acharnée à La Bridoire. Le Panzer-Regiment 6 se dirige quant à lui sur la localité des Echelles, tenue par deux compagnies, l’une du 215e RI et l’autre du 25e régiment de tirailleurs sénégalais, renforcées par deux pièces de 47 mm sur affût crinoline servies par des marins. La surprise est rude pour les chars qui pénètrent dans le village. Coup sur coup, les marins détruisent quatre chars, pendant que les tirailleurs bloquent l’infanterie. Toute la journée l’artillerie allemande appuie les infiltrations d’infanterie qui ne parviennent pas à s’emparer du bourg. En fin de journée, après des négociations, les français se replient sur Saint-Laurent-du-Pont, laissant les troupes ennemies occuper le village.
La seconde colonne de la 3. Panzerdivision se présente dans la nuit du 22 au 23 juin devant Voreppe. Ce bourg, qui constitue la porte de Grenoble, est fortement tenu par les deux compagnies d’infanterie, trois sections de 65 mm et 75 mm et huit pièces de 47 mm de marine servis par des marins du 5e dépôt des équipages de la flotte. L’arrivée des premiers chars est saluée par un véritable déluge de feu qui démolit deux blindés. Á l’aube une nouvelle tentative est menée par la Panzer-Kompanie 8 accompagnée d’infanterie et de pionniers. Rapidement un panzer IV est mis hors combat et les fantassins subissent des pertes. Dans l’après midi une nouvelle attaque d’infanterie se solde par une quarantaine d’hommes tués ou blessés. Ne parvenant à forcer le passage, les assaillants sont contraints d’y renoncer temporairement en attendant qu’arrive la division toute entière.
Pendant la nuit, le général Marchand, qui commande l’artillerie du XIVe CA, décide d’envoyer à Voreppe deux batteries de 105 mm et une de 155 mm. Dans la matinée les pièces sont mises en batterie. Depuis les hauteurs dominant la plaine de Moirans, les observateurs découvrent les préparatifs d’attaque ennemie. Ils déclenchent une longue série de tirs d’artillerie qui ravagent plusieurs colonnes de véhicules, des parcs automobiles et des rassemblements de chars, causant de nombreuses victimes. L’artillerie allemande tente de réaliser des tirs de contrebatterie sans y parvenir. En fin de journée, la proximité de l’entrée en vigueur de l’armistice met un terme aux hostilités. La bataille de Voreppe est la dernière victoire française de 1940.
Sur l’Isère
Toujours plus à l’ouest, la 4. Panzerdivision a traversé Vienne et se dirige sur la basse Isère. En arrivant dans Romans, les Allemands subissent le feu des troupes établies sur la rive gauche de l’Isère. Des véhicules remontent la rivière jusqu’à Saint-Gervais sans parvenir à découvrir un pont intact. En aval, l’infanterie réussit à traverser par l’ouvrage ferroviaire de Vernaison, mais une énergique contre-attaque la repousse sur la rive droite. Ce sera le point extrême de l’avance de l’avance allemande en direction du sud de la vallée du Rhône.
Lorsque cessent les combats, aucun des objectifs fixés au XVI. Panzerkorps n’a pu être atteint. Il importe cependant de relativiser un tant soit peu l’ampleur du succès français. En effet, il est certain que si l’armistice n’était pas entré en vigueur, les villes de Chambéry et Grenoble seraient inéluctablement tombées. En outre, il apparaît que lors de cette ultime phase de la bataille, le commandement allemand a cherché avant tout à éviter des pertes inutile et, ce faisant, ne s’est pas efforcé de progresser à tout prix. On notera par ailleurs que les Français ont eu la faveur d’un terrain propice à la défensive, tout comme ils ont aussi bénéficié de la quasi-absence de la Luftwaffe lors de cette ultime phase de la campagne de France. Cette dernière n’aura cependant rien eu d’une promenade militaire comme en témoignent les 200 tués et autant de blessés, ainsi que la dizaine de chars détruits infligés aux unités du corps Hoepner par des combattants français qui se seront battus jusqu’au bout.